mardi 4 novembre 2014

Aleister Wayne

Aleister Wayne



Mon ascendance me fut longtemps cachée par mes gouvernantes et le personnel médical,
Qui, fréquemment, m’examinait et m’auscultait, parfois dans des conditions bien étranges.
On m'autorisait seulement à savoir que mes parents, désormais décédés,
Possédaient une fortune non négligeable qui entretenait tout ce monde,
Logé dans la maison familiale dont j'hériterais un jour.
Dès l'age de six ans on m'interdit tout contact avec l'extérieur,
M'inculquant des notions bien inhabituelles pour un jeune enfant.
Mes professeurs m’incitaient à développer mon monde intérieur et à laisser libre cours à mon imagination, qui bourgeonna rapidement me permettant de supporter une vie de solitude.
Cependant, cela me déclencha de violents maux de tête, qui s'intensifièrent au fil des années,
Jusqu'à nécessiter une intervention chirurgicale vers mes dix ans.
Les médecins m'apprirent que je fus trépané pendant la nuit,
Et que désormais je n'aurais plus jamais mal au crâne.
Ils installèrent une plaque de métal pour obstruer le trou pratiqué,
Mais on me défendit formellement d'y toucher et tous les jours,
Une infirmière venait la nettoyer et vérifier qu'il n'y avait aucune infection.
Ils m'assurèrent que ma créativité hors normes n'en serait que démultipliée.
Les cours de théologie que je suivais, en plus des matières habituelles comme les langues, les sciences et l'histoire-géographie, devinrent de plus en plus portés sur l'occulte et le mysticisme.
J'assistais stoïquement à mon éducation aux arts noirs de l'humanité.
Je perçus rapidement que je n'étais qu'une expérience d'une secte diabolique.
Au début de mon adolescence j'élaborais des plans pour m'évader du manoir de plus en plus terrifiant, qui, à cause de mon imagination, paraissait presque vivant.
La demeure était entourée d'un bois dense, légèrement marécageux,
Et je compris bien vite que toute tentative serait vouée à l’échec.
Mes gardiens ne tentèrent rien pour m’empêcher de fuir,
Et semblaient prendre un malin plaisir à lire l'angoisse dans mes yeux.
À seize ans le premier incident, inévitable, ravit tout le monde.
Une bonne fut mise en pièces sauvagement alors qu'elle nettoyait ma chambre,
Soudainement plongée dans l'obscurité suite à une coupure de courant étonnante.
Ses membres rongés furent séparés du tronc et ses boyaux suspendus au lustre,
Laissant pendre la carcasse ensanglantée encore palpitante.
J'étais alors présent, tranquillement allongé sur mon lit, plongé dans la lecture d'un livre ancien.
Bien sûr je ne vis rien lors du démembrement, mais entendis tout.
Et ces bruits répugnants allaient me suivre de plus en plus fréquemment.
Les coupures de courant devinrent hebdomadaires,
On tenta de me faire croire à des affaissements de terrain écrasant les câbles.
Je n'étais pas dupe et savais que tout ça n'était que des tests.
Mes soi-disant médecins tentaient d'ouvrir un portail vers les enfers,
Dont j'étais la clé vivante et indispensable.
Dégoûté de mon existence, je n'avais pas même la possibilité d'y mettre fin.
Alors j'essayais de contrôler les forces auxquelles j'étais lié.
C'est ainsi que je pus voir pour la première fois en pleine lumière,
Ce qui se passait lors de ces coupures de courant meurtrières.
Du trou dans mon crâne s'échappaient des ombres monstrueuses et carnassières.
Une fois sorties il leur fallait absolument de quoi se nourrir pour perdurer,
Et une zone d'ombre suffisamment épaisse pour les accueillir.
Il s'en suivit quelques vrais accidents, me procurant un plaisir malsain.
Grâce à leurs expériences et aux miennes, où je résistais volontairement lors de leurs invocations,
Pour empêcher toute apparition sur des temps plus ou moins longs,
Je compris aisément que les ombres voulaient sortir,
Et plus je résistais plus lors de leur sortie elles étaient nombreuses et déchaînées.
À vingt-trois ans je réussis à les contenir pendant huit mois,
Dans l'intention infernale de me libérer définitivement de cette secte monstrueuse.
Le nombre de gouvernantes et de médecins avait sensiblement diminué au fil des ans,
Et la nuit de Walpurgis, à la lune favorable, m'autorisa à déverser les enfers
Dans ce vieux manoir au passé sordide et au futur impensable.
Cela réussit si bien que des débris de corps humains se retrouvèrent éparpillés un peu partout dans chaque pièce me laissant des surprises macabres pendant plusieurs semaines.
Depuis les murs résonnent des cris inhumains de mes anciens geôliers lors des nuits les plus noires.
Les démons hantent encore la vieille bâtisse et moi, animé d'une vie qui ne m'appartient plus,
Je déambule de ma silhouette lugubre dans les longs couloirs abandonnés.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
23/09/2014

Eric Turgand

Eric Turgand




Mon dégoût primaire de l'humanité ne faisait que croître depuis mon emménagement
Dans cette ancienne bâtisse d'un des plus vieux quartiers de Paris.
Elle avait été construite peu après la révolution et son intérieur restait inchangé.
Elle fut léguée de génération en génération d'une famille noble du Nord de la France,
Venue dans la capitale pour des raisons mystérieuses qui finirent par me hanter.
Je l'avais acquise grâce à un arbre généalogique douteux prouvant une soi-disant parenté,
Avec ses anciens habitants, morts depuis peu, dont j'étais l'unique descendant,
Et qui refusaient, dans leur testament, toute vente aux enchères d'un bien qui leur était si précieux.
Acceptant avec joie dans un premier temps ce magnifique héritage,
Je quittai en hâte mon appartement de Lille pour vivre enfin dans une belle maison.
La cinquantaine bien passée, veuf endurci, professeur las d’anthropologie,
Ce déménagement me promettait une nouvelle vie.
Mais après deux jours à errer seul dans ces grands couloirs et ces pièces sombres et poussiéreuses,
Un malaise inconnu s'empara de moi, incrustant une peur insensée dans mes entrailles.
Je me surpris bien vite à jeter des coups d’œil furtifs par-dessus mes épaules,
À guetter le moindre son de cette maison qui semblait posséder une âme propre.
Ses craquements se modulèrent bien vite en gémissements plaintifs,
Et il me semblait percevoir des fragments de voix issus de la cave humide.
En quelques jours mon comportement se changea en une crainte du monde extérieur,
Laissant constamment les volets clos et la porte fermée à clé.
Je n'allumais plus la télévision qui me remplissait d'un dégoût maladif de mes semblables.
Je rentrais en conversation avec moi-même, entre moi-mêmes,
Et parfois arrêtais soudainement tout mouvement et toute discussion, pris d'une terreur pesante,
Accablé par la présence invisible d'êtres malfaisants.
Je laissais alors toutes les pièces ouvertes, apeuré de tomber sur une chose hideuse à l'affût derrière une porte close ; j'allumais le plus de lampes possible la nuit venue, et pourtant chaque soir, un attrait morbide me pressait de plus en plus à descendre dans la cave.
Bientôt des visions se précisaient, comme des images projetées dans mes yeux, mais détachées du monde réel. Je voyais des êtres qui furent certainement humains à leur époque, mais qui désormais n'étaient plus qu'un tas de chair et d'os dans un état de putréfaction écœurant.
Je restais la majeure partie de la journée sur mon lit, que j'avais placé dans un coin de ma chambre, me permettant de surveiller toutes les entrées de la pièce.
Mais bien vite les charognes vinrent me parler et tout un monde grésilla devant la réalité.
Des bébés mort-nés, encore gluants, rampaient sur le sol et descendaient des murs,
Convergeant dans ma direction comme attirés par de la chair fraîche,
Des gargouilles ailées et d'une carrure impressionnante défilaient,
Sans porter d'intérêt à mon corps désemparé,
Et ces caricatures pestilentielles d'humains allaient et venaient,
Menant leur propre vie et interagissant avec le monde.
Pourtant je savais que rien n'était réel et que la folie s'était emparée de moi.
Dans l'un de mes derniers raisonnements logiques, qui me semble flou à présent,
Je descendis à la cave jusque là restée fermée et y découvris un accès
À un tunnel s'enfonçant en pente douce sous la ville connue pour ses catacombes.
Par chance une porte robuste fermait ce passage vers un monde souterrain,
Mais comportait une grille à hauteur du visage laissant apercevoir le début du couloir de pierre.
Bousculé par l'effroi, je décidai de ne pas l'ouvrir et d'appeler Benoît, mon ami resté dans le Nord.
Je lui laissai un message ou j'imagine que mes tourments se reflétaient suffisamment,
Car le lendemain une ambulance vint me chercher et me transféra ici,
Dans cette chambre stérile d'un hôpital psychiatrique.
Et je suis aujourd'hui soulagé de m'être débarrassé de toute responsabilité face à cet héritage maudit, où la municipalité effectua de surprenantes découvertes.
En effet le tunnel conduisait à une chambre mortuaire antérieure aux célèbres catacombes,
Isolée dans les sous-sols de Paris à près d'une centaine de mètres de profondeur.
Il semblerait que des actes d'une cruauté rare y furent commis,
Sur des adultes mais aussi des enfants, vraisemblablement au nom d'un dieu infernal.

Je peux vous confirmer docteur, que la mise par écrit de tout ceci, m'a soulagé quelque peu.
Cependant je crains que quelque chose d'effrayant se soit réveillé en moi,
Et je resterai changé, je le sens, sans jamais pouvoir retrouver une vie normale.


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
17/09/2014

jeudi 16 octobre 2014

Dylan Carlson

Dylan Carlson




Je me souviens encore de ces années où je pouvais improviser paisiblement,
Au son rond et mélancolique de ma guitare, des musiques où se reflétait mon âme,
Sans craindre d'horribles catastrophes.
Je retrouvais le calme, dans mes accords et mes notes,
Laissant s'exprimer mes tourments.
Il y avait bien eu des signes annonciateurs avant ce concert cauchemardesque,
Mais qui aurait pu les décrypter correctement ?
Comment aurais-je pu penser une seule seconde à de telles conséquences ?
À présent je ne suis jamais tout à fait tranquille,
M’autorisant à jouer uniquement dans la cave de ma vieille demeure.
Maison isolée dans une ancienne zone industrielle désormais abandonnée.
Ici je ne risque pas de blesser qui que ce soit.
Bien sûr rien n'a changé depuis, ils reviennent à chaque fois,
Mais je ne crains rien.
Au contraire, je redoute le jour où je ne serai plus en état de composer.
Ils sauront me retrouver, ils connaissent mon esprit,
Je ne serai à l'abri nulle part.
Je suis d'ailleurs heureux que la police n'ai rien pu prouver,
Les soupçons et accusations se sont vite dissipés,
Me laissant un faux répit avant ma fin inéluctable.
Et c'est peut-être parce que j'ai été innocenté que mes remords me poussent,
Encore une fois, à m'excuser, mot bien trop faible,
Pour toutes les douleurs que j'ai causées.
Je veux écrire ici, tant que je le peux, la réalité derrière ce drame,
Bien plus hideuse que tout ce qu'on a pu raconter jusqu'ici.
En effet, ma musique, résonnant avec mes troubles,
Que nombres de professionnels de la santé mentale ont attribué à une schizophrénie,
Est rentrée en contact avec une dimension autre que la notre.
Dissimulée dans les ombres et les actes sombres de notre monde.
Des passerelles s'établissent, aujourd'hui systématiquement,
Lorsque le soir venu je laisse ma musique s'exprimer, entre notre univers
Et celui de monstres insatiables rongés par une faim de chair, d'os, mais aussi de folie.
Comme je l'ai dit auparavant, je remarquais depuis quelques temps des phénomènes inhabituels,
Que différents psychiatres ont analysé comme des hallucinations visuelles et auditives.
Ces troubles me renfermaient sur moi, je devenais mélancolique et détaché de la réalité.
Mes amis m'ont persuadé de ne pas reporter ou annuler le concert d'octobre,
Pensant que ce moment stimulant me ferait le plus grand bien.
Hélas, pardonnez moi, ce ne fut qu'une sombre tragédie.
Nous avions plusieurs nouvelles chansons qui rendraient ce concert inédit,
Le public semblait enthousiaste et pressé d'y assister.
Alors, dans mon erreur, je décidai de le maintenir.
Le soir en question, enfin arrivé, nous avions installé une atmosphère particulière dans la salle,
Pour immerger nos auditeurs dans une ambiance de mysticisme occulte.
Aucun spot ne serait activé laissant l'éclairage à quelques bougies et cierges disposé sur la scène.
Des diffuseurs de fumée, embrumèrent la salle,
Laissant une obscurité moite et dense occuper l'espace.
La première demi-heure se passa superbement, stimulant les musiciens et tous les participants,
Créant ainsi les conditions idéales pour ouvrir les brèches vers un univers meurtrier.
Je vis bien quelques ombres se mouvoir, semblant s'organiser dans l'obscurité.
Mais j'étais convaincu que ce n'était que des hallucinations.
Bon sang, tout se déroula si vite.
Tous ces cris. Ces visions me hantent toujours la nuit.
Des ombres sortirent ces êtres à la peau grise et luisante, aux yeux jaunes remplis de haine,
Au corps maigre et squelettique, aux mains et aux pieds déformés par des griffes terrifiantes.
Leurs têtes affreuses se gavèrent de chair et d'os dans une orgie de démence.
Toutes les sorties avaient été soigneusement condamnées.
Je les revois mordre violemment les crânes d'hommes et de femmes,
Dans leurs gueules immenses et carnassières, et y aspirer les esprits encore sains,
Pour les remplir d'une folie incontrôlable sans le moindre espoir de rémission.
La police arriva trop tard, alertée par les hurlements inhumains,
Les portes ne cédèrent qu'une fois le carnage accompli.
Les policiers lourdement armés ne trouvèrent qu'une cacophonie de corps démembrés,
D'organes éparpillés, d'os broyés, et de fous terrorisés.
J'étais le seul à être vivant et partiellement sain d'esprit.
Je fus interné, tout de même, plusieurs semaines dans un hôpital psychiatrique,
Et je sais que je suis le seul de cette soirée à en être ressorti aujourd'hui.
Dans les débris humains il fallut une semaine pour répertorier tous les morts.
Et beaucoup de policiers, les premiers arrivés sur place, eurent des soucis de santé par la suite.
Je suis désormais l'esclave de forces qui me dépassent,
Et je crains, à chaque note, que des créatures vicieuses, venant des ténèbres,
S'échappent de ma cave humide pour hanter un monde autre que le leur.
Rongé par ma culpabilité, soyez sûr que j'applique moi-même ma punition.
Je me condamne aux tourments de l'âme et réserve le choix de ma mort,
À ces affreuses goules venues d'ailleurs.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
22/09/2014 

dimanche 12 octobre 2014

Rien

Rien


Crâne, repose en lieu d'ombres, sur liens humides.
Tristesse et étoiles ternes, vent pour poussières coagulées.
Sombre en abysse, entre pierres, os, dents de calcaire et doigts d'argile.
Autres icis et ailleurs perdus. Mains jointes, front ridé.
Aller en tombe nourrir les goules chantant le mystère.
Habit de chair gâcher, laissant les plaies sourire.
Rester sans aimer, las des êtres, las du monde.
Vivre ici pour d'autres vies, d'autres espoirs.
Un rien s'est perdu, en besoin de solitude et d'arbres éternels.




Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
12/10/2014 

dimanche 5 octobre 2014

La Caverne

La Caverne




Ce semblant de vie trop lumineux, éblouissant entre les ombres,
Pénètre et pourrit les os, puis éteint l'âtre empli de fumée.
Le regard perdu, las des sursauts brillants, fixe le noir, le vide.
La caverne engouffre les rayons, sans plus rien refléter.
Et un lourd silence rampe et grogne au plus profond.
L'air stagnant empeste la chair et apeure l'esprit.
Le monde, lointain, se fige dans la lumière crépusculaire.
Les sons roulent et menacent, oubliant la vie.
Sur le roc froid et humide je rêve et j'attends.
Parmi l'ombre des pensées se flétrissent,
Apparaissant en charognes stoïques,
Assises en cercle autour de mon corps engourdi.
Ce tombeau ouvert étreint de relents monstrueux,
Lentement se teint d'un vert spectral.
Des morts immobiles se déverse une brume aux formes cauchemardesques,
Alourdie de chagrin, elle envahit l'espace liant nos jambes tentaculaires.
Ainsi établie en un vaste autel prêt à accueillir les offrandes.
Remontés des abysses apparaissent les espoirs sous formes charnelles.
Sacrifice impie et dégradant, je regarde les morts s'en délecter,
Puis prends part au festin, laissant couler des larmes noires.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
03/09/2014 

La Brèche

La Brèche




Les êtres étranges pullulent et baillent à la porte de notre monde,
Attendant la formation d'une brèche suffisante pour les laisser entrer.
Cela fait maintenant sept longues années que je les côtoie,
Amassés autour de moi, m'accablant de visions d'horreur.
Je ne sais par quelle force mon esprit créa ce passage,
Cependant je me souviens encore de cette nuit d'hiver,
Qui marqua le commencement d'une vie nouvelle,
Pervertie en une grotesque invocation silencieuse,
De ceux qui dépassent l'entendement humain.
La présence morbide de ces charognes, et autres gargouilles,
M'ouvrit les yeux face à ce monde qu'ils viennent souiller.
Leur compagnie amicale et paisible et leur notion du temps,
Qui ne grave plus sa cynique haine dans leur corps morts,
M'ont fait les apprécier plus que mes semblables.
J'en suis là maintenant, écœuré par les hommes,
Subissant ma condition, attendant de rejoindre mes compagnons,
Par la faille béante qui nous unit et bientôt nous confondra.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
12/09/2014

L’Adepte Dans Ses Ténèbres

L’Adepte Dans Ses Ténèbres




Monde aux nuages pourpres animés d'une vie autre que la leur,
Mains froides et gluantes de corps dénués d'esprit transis entre deux terres,
Étendue mourante aux reflets verdâtres où pourrissent corps et âmes.
Dégoût des vivants supplantant l'amour, équarrisseur d'idées sombres.
Fosse commune où grouille l'humain informe, à l'odeur âcre.
Des palpitants aux yeux menteurs grondent et résonnent les morts.
Il n'y aura qu'une fin trop lointaine pour noyer l'adepte dans ses ténèbres.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
10/09/2014

Armand D'Estebaie

Armand D'Estebaie




Cela faisait trois nuits, qu'à chaque réveil, ma mâchoire était atrocement douloureuse,
Et mon esprit totalement embrumé.
Je n'étais pas plus inquiet que ça, mettant ces troubles sur le compte des examens finaux
Et du stress intense induit qui m'avait entraîné dans une insomnie chronique.
J'étais en effet à la fin de mon année de doctorat en médecine légale,
Concluant une thèse sur les crimes de nécrophagie aux cours des siècles.
Lors de mes recherches je fus amené à voyager dans la vieille Europe,
Où au moyen-âge une secte nécrophage avait pris naissance,
Terrorisant le bas-peuples durant deux siècles,
Ses membres, devenus des personnages de cauchemars populaires,
Jouissaient de la réputation d'avoir percé les secrets de l'immortalité,
Par le biais d'une transformation mystérieuse.
Ressasser tous mes travaux en vue de valider mon année,
Dû déclencher en moi un mécanisme complexe de rêves dérangeants remplis d'actes écœurants.

Un matin, encore nauséeux et endolori par une nuit mouvementée,
Le concierge de la résidence universitaire me fit part de son mécontentement
Quant à mes sorties nocturnes, silencieuses mais salissantes,
Laissant de nombreuses traces de boue et de terre dans le hall.
Surpris par ces reproches, je niai toute implication.
Mais il affirma qu'il m'avait vu sortir puis revenir deux heures plus tard,
Sale et comme plein d'une excitation morbide, arborant un étrange sourire et des yeux fous.
Dubitatif je continuais ma journée non sans malaise.
Arrivé le soir, épuisé, je m'assoupis affalé dans mon fauteuil, laissant la télévision allumée.
À mon réveil le journal télévisé mentionnait des actes de vandalisme
Dans le cimetière centenaire, mitoyen de l'université.
Des tombes avaient été retournées et des cadavres récents mutilés.
Je m’habillai et descendis dans le hall où une annonce officielle
Interdisait toute sortie après vingt-trois heures.
Un couvre feu en réponse aux dégradations nocturnes mentionnées par le concierge.
Après une nuit particulièrement déstabilisante je remarquai qu'une fenêtre était ouverte,
Et mon studio plein de boue et de terre menant à la salle de bain.
Intrigué, je décidai de me rendre dans le cimetière de nuit,
Directement après les cours sans retourner dans ma chambre,
Convaincu d'être à l'origine de tout ce remue-ménage,
Plongé dans des crises inquiétantes de somnambulisme.


Le cimetière, étouffé dans une brume crépusculaire, semblait désert.
J'arpentai les allées, m'enfonçant jusqu'à une place ou un étrange mausolée trônait.
J'ouvris la porte et pénétrai à l'intérieur, fétide et humide.
Mes yeux mirent un certain temps avant de s'habituer à l'obscurité profonde.
C'est alors que la terreur incrusta mes os me rendant rigide et muet.
Trois moines en froc épais, dissimulant des formes lointainement humaines,
Me faisaient face, m'invitant à les suivre dans la pièce suivante où brillaient d'étranges lueurs.
Je ne sais quel folie s'empara de moi me laissant obéir à leur requête.
Avançant en direction des lumières blafardes et tremblotantes,
J'entendis, derrière moi, qu'on verrouillait la porte, condamnant ma dernière chance de sortie.
Là leurs compagnons m'attendaient, nus et défigurés en une posture d'attente animale.
Leur peau luisante, noire et humide, leurs têtes rondes dégarnies où pendaient quelques misérables poils tenant place de chevelure, leurs oreilles immenses de chauve-souris,
Leurs yeux rougeâtres et perçants, l'absence de nez laissant seulement deux fentes verticales,
Et leurs bouches carnassières m'emplirent non plus de terreur mais d'un attrait malsain.
L'une de ces goules ouvrit la gueule pour s'adresser à moi,
Mais n'en sortit qu'un fracas guttural en guise de voix.
Instinctivement mon esprit comprit et je m'agenouillai au centre d'un cercle de bougies sanglantes.
La même créature cauchemardesque vint à ma hauteur et me fit boire le contenu d'une fiole antique.
Je sus que je marquai ici le début d'une nouvelle vie et sombrai dans un sommeil dénué de rêve.
À mon réveil j'étais retourné dans ma chambre trop douillette et hideusement lumineuse.
Je vis ce monde grouillant de vie et de joie, d'êtres faux à la chair pestilentielle du mensonge.
Mon écœurement grandit dans les yeux hautains de mes futures proies.

Désormais j'éprouve une profonde libération, accédant au monde souterrain tant redouté.
Lorsque vous lirez ces dernières notes écrites en tant qu'humain,
Il sera déjà trop tard pour vous, ma transformation aura eu lieu, et je serai passé du coté des abysses, délaissant avec amusement votre précieux monde égoïste.


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
08/09/2014 

Edward Carter

Edward Carter Partie 1 La Découverte




Je suis le neveu d'Edward Carter connu pour ses études et son sérieux archéologique,
Et qui défraya les chroniques récemment par ses actes jugés irréfléchis et irréparables,
Attribués à la folie qui s'empara de lui avant de le trouver mort pendu dans la maison familiale.
Après avoir relu ses journaux intimes et mené ma propre enquête,
J'écris cet article à fin de couper court à ces rumeurs infondées et rétablir la vérité.
Tout débuta après sa découverte d'un temple troglodyte dans un canyon de l'ancienne Mésopotamie,
Datant de trois milles ans avant Jésus-Christ, à l'époque des premières dynasties égyptiennes.
Je vais vous rapporter ses écrits, provenant de son journal de bord :

Nous trouvâmes le temple un peu avant midi dans une région aujourd'hui aride.
Une série d'escaliers taillés à même la roche montait jusqu'à une entrée béante et sombre,
Située à environ quarante pieds de hauteur, sur une face incroyablement lisse,
Et dépourvue de toute autre ouverture, laissant seul le pourtour de la cavité, finement gravé
De silhouettes écœurantes, indiquant un degré d'artisanat élevé réservé à une élite restreinte.
Le passage relativement étroit n'en semblait que plus haut, nous l'estimâmes à 10 pieds.
Malgré les assauts du vent et du temps les contours étaient encore bien conservés,
Et notre dessinateur put les reproduire sans trop de difficulté.
En bas, assis comme deux gardiens, à la posture canine,
Figuraient des êtres aux traits résolument humains pourvues d'une queue longue et fine,
Mais au visage sans face, garni seulement d'une gueule aux dents acérées.
Au dessus, des flammes stylisées amenaient des symboles rares aux connotations maléfiques,
Qui avaient été répertoriés jusqu'à présent uniquement sur des pendentifs et talismans,
Datant des premières dynasties égyptiennes nous permettant de supposer l'âge ancestral du temple.
Nous décidâmes de faire le plein d'énergie avant de nous attaquer à l'intérieur mystérieux.
Après une pause repas méritée, munis de torches, nous pénétrâmes dans l'enceinte sacrée.





Edward Carter Partie 2
Le Temple




L'intérieur, sombre et poussiéreux, était humide et frais.
Une odeur désagréable de profondeur stagnait dans les pièces.
En face de l'entrée, un long couloir, ouvrant sur quatre salles,
Réparties équitablement de chaque coté, débouchait sur un escalier impressionnant,
Aux degrés étroits obligeant une descente presque verticale.
Les pièces de cet étage, identiques entre elles, faisaient penser à des chambres,
Où les prêtres se paraient d'ornements déroutants, encore présents et bien conservés,
Avant d'officier leurs ancestrales cérémonies aujourd'hui oubliées.
L'état presque inchangé des ces atours paraissait impossible dans cette humidité.
Seules la poussière et les toiles d'araignées témoignaient d'un passé incroyablement lointain.
Une fois l'inspection terminée, nous nous lançâmes dans la descente infernale,
Si longue qu'elle nous coupa de toute notion du temps.
Au bout d'un moment, qui parut a tous interminable, installant une inquiétude insensée,
Nous arrivâmes dans une cavité tellement immense que la lueur de nos cinq torches,
Ne suffisait qu'à éclairer une partie infime de cette cathédrale souterraine.
Là, nous décidâmes de nous lier, nous et le stalagmite le plus proche de l'entrée,
À un fil d'Ariane que nous jugeâmes d'une longueur suffisante pour débuter l'exploration.
Les couloirs et les salles étaient établis par l'abattage des colonnes de calcaire millénaires,
Donnant la forme voulue aux espaces, aménagés de meubles inquiétants.
Les trois premières salles étaient, à n'en point douter, des chambres de torture et de supplice,
Décorées d'instruments terrifiants et imprégnées encore de la peur et des douleurs des victimes.
Deux autres étendues, vidées de leurs stalagmites, avaient une hideuse ressemblance
Avec les salles d'embaumements égyptiennes, et leurs outils sensés apporter la vie éternelle dans l'au-delà, pleines d'urnes contenant des organes humains momifiés.
Nous nous attendions à trouver une multitude de sarcophages et de tombeaux,
Mais, au centre d'un cercle immense, affublé sur sa périphérie de nombreux bacs,
Contenant encore une graisse inflammable, que nous nous gardions bien d'allumer,
trônait un abîme des plus noirs d'où émanait une odeur pestilentielle.
Notre dessinateur lança une pierre qui se fit dévorer dans le silence total.
Aucun écho ne raisonna, nous laissant horrifiés.
Puis nous récoltâmes de nombreuses statuettes effrayantes et des plaques d'argile précieuses,
Gravées d'une écriture cunéiforme non sans rappeler celle de l'antique Uruk.
Nous repartîmes, escaladant l'escalier millénaire, nos besaces et sacoches pleines d'un trésor hideux.
Notre séjour archéologique touchant à sa fin, nous notâmes précisément l'itinéraire conduisant au temple inquiétant et préparâmes nos valises en direction du muséum de Boston.

Ici s'arrête le journal de bord de la dernière expédition de mon oncle.
Cependant l'étude des plaques d'argile, des statuettes et des dessins de l'équipe continua aux États-Unis, et Edward compila soigneusement sa descente dans la folie et la terreur face aux écœurantes révélations tirées des différents documents historiques et véridiques qui furent détruits par la suite.





Edward Carter Partie 3
La Folie




Ainsi, mon oncle mit au jour le culte impie pratiqué dans cet ancestral temple sumérien.
Inéluctablement la folie s'imprégna dans l'esprit d'Edward, par des rêves insidieux,
Puis des visions troublantes de réalisme et plus perturbantes que les pires cauchemars.
Bien évidemment les autorités n'accordèrent pas le moindre intérêt aux sujets de sa démence.
C'est pour cette raison que je me dois d'achever les dernières volontés d'un archéologue déchu,
Et rétablir, en sa mémoire, son honneur, son sérieux et sa dévotion à la science.
J'écris cet article après avoir retrouvé et scellé l'entrée infâme vers ces profondeurs maléfiques,
Et après avoir minutieusement détruit toute preuve pouvant faire renaître et perdurer le culte infernal, que mon oncle n'avait pu réduire en cendres trop terrifié par des représailles divines.
Grâce à son étude approfondie des écritures cunéiformes, il eut la description détaillée,
Hideuse mise en scène, des préparations nécessaires pour les sacrifices humains
Destinés à un dieu stupide, retenu prisonnier aux tréfonds d'un abîme sans lumière,
Attendant patiemment le jour de sa libération, où il remontera des ténèbres
Pour régner par la peur et le sang sur une terre préparée par ses adorateurs et futur lieutenants.
Au fil des révélations une voix bien moins qu'humaine s'adressa à lui la nuit,
Lui ordonnant la remise en état et la reprise des activités malsaines du temple antique.
Promis au pouvoir, il devait rassembler un contingent d'adorateurs et pratiquer des sacrifices écœurants, sous peine d'un tourment éternel où à chaque lever et coucher de lune il subirait les dites tortures sans jamais trouver la mort libératrice.
C'est au bout du troisième mois de souffrances qu'il alluma un incendie destructeur, et protecteur à la fois, de la partie du muséum où se trouvaient stockées toutes les tablettes et statuettes provenant de l'ancienne Mésopotamie.
Puis, préférant être certain de sa mort définitive, il mit fin à ses jours au bout d'une corde,
Seul dans la maison familiale après avoir rédigé une note à mon intention.
Il mourut sous les critiques et les moqueries de ses collègues, destitué de son statut de professeur.
À présent c'est à mon tour de faire taire les dernières preuves inscrites dans ses journaux.
Mais déjà, je le crains, une voix abyssale s’immisce la nuit au fond de mes rêves.
Je fais part ici de mon inquiétude grandissante quant au futur de ma santé mentale,
Et vous prierai d'être indulgent et compréhensif à mon égard.
J'ai peur d'en avoir trop appris et de n'avoir guère le choix entre la servitude ou la mort,
Et j'espère opter pour le bon au moment venu, sinon vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Tuez moi.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
07/09/2014 

Josh Austin

Josh Austin Partie 1
L’entrée Des Profondeurs




Vaste et amère, l'entrée des profondeurs béait face à mon corps,
Dévorant mon ombre et mes pensées, engouffrant mes désirs.
Un air lourd, semblant remonter des abysses, absorba mes pas.
Les ténèbres ne reflétaient que le son grave du souffle nauséabond.
Mon cœur, dévié de ses pulsations, raisonnait en échos sourds.
Je descendais au rythme de ce tambour des marches humides.
Le soleil, déjà, n'était plus qu'un vague souvenir grésillant,
Ralentissant mes mouvements, transis mais imperturbables,
Me conduisant toujours au plus profond dans le noir.
Le temps ne trouvait plus de signification et s'estompa,
Glorifiant l'horreur abyssale qui m'accueillait.
L'odeur refoulée des profondeurs se précisa dans une lueur verdâtre.
Elle étouffa mes poumons et me montra la terrasse chthonienne,
D'où se déversait les tourments et les peurs en un flot continu,
Me laissant apercevoir un monde redouté et interdit.
Des ombres épaisses émergèrent des charognes humaines,
Droites et nobles, comme des seigneurs, elles m'encerclaient.
Leurs orbites charnus me fixaient et perçaient mon âme.
Pourtant, mon esprit éprouva une profonde quiétude.
Brisant le bourdonnement du silence, un cri strident et éraillé
Monta de l'abîme, illustrant le mouvement d'une tentacule,
Immense et suintante, qui brouilla les nuages pestilentiels.





Josh Austin Partie 2
Au Fond De l’Abîme




C'est dans ce monde souterrain aux reflets verdâtres et acres,
Qu'après m'être isolé quelques instants dans le noir de mes paupières,
J’émergeai face au sort que me réservaient ces charognes stoïques.
Organisées en demi-cercle, elles ouvrirent une allée d'honneur,
Entre leurs corps putréfiés et leurs regards sans fond.
N'étant plus tout à fait sûr de la maîtrise de mes pas, je m'y risquai.
Arrivé au bord de cette terrasse millénaire, surplombant un abîme sans âge,
Mon dégoût s’intensifia, supplantant rapidement la quiétude passée.
Et réveillé soudainement de cette vision hypnotique par un bruit sec,
C'est dans une terreur sans nom que je compris que mon corps s'était effondré,
Me laissant pour seule vision des ténèbres réconfortantes,
Lentement embrumées, d'un espoir des plus brillants, de n'être que dans un rêve.
Le retour dans ces catacombes empestées n'en fut que plus tétanisant.
Le spectacle face à moi, absorbé de brume, teinté de rouge et de vert,
Garda son mystère pendant encore quelques battements de cœur.
Laissant la peur accomplir son sinistre labeur.
Mes détenteurs comprirent que leur tâche était achevée,
Et d'une voix unique et caverneuse, au ton guttural, psalmodièrent une entité,
Depuis longtemps oubliée des hommes, dans cette langue interdite,
Que seuls d'anciens ouvrages impies évoquent à demi-mots.
Mes connaissances en cultures anciennes ne m'autorisaient qu'à deviner,
Grâce à ce nom, que nul être ne devrait prononcer, synonyme de folie et de terreur,
Que mon corps, ici allongé, sur un autel de pierre, servira d'offrande à ce culte primitif.
Je vis autour de moi une masse d'innombrables individus décharnés,
Représentant tous les stades de la décomposition.
Dans ce grondement horrible ils offrirent mon âme à cet ancien dieu,
Me condamnant à recevoir les visions divines,
Et à prophétiser avec une voix autre que la mienne.
Le rituel monstrueux était accompli et mon esprit ne m'appartenait plus.



Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
05/09/2014 

vendredi 19 septembre 2014

Tourments

Tourments



Je rapporte ici une lettre retrouvée lors de l'exploration de la grotte Krubera-Voronya, dans la dernière salle avant le gouffre plongeant verticalement pendant plus de cinq cents mètres, qui termine cette incroyable cavité naturelle, dont la profondeur reste inégalée.
Bien que ce témoignage fut signé, mais malheureusement non daté,
Nous ne savons rien de son auteur.


Pris dans mes tourments, grands tourbillons pourpres et sombres,
Mon écœurement s’intensifia et me révéla une autre dimension,
Qui devrait rester cachée au confins de ses abîmes inconnus.
Le monde qui m'entourait se voila finement sous la projection
De créatures hideuses qu'aucun homme n'avait jamais vues.
Mon sommeil horrifié me laissa sombrer un peu plus.
Les rêves ne trouvant plus de fin, imbriqués les uns dans les autres,
Me perdaient chaque nuit plus profondément.
Et pourtant après tous levers de soleil la réalité était pire.
Je décidai d'entamer un voyage vers mes origines,
Afin de découvrir les raisons de mes visions morbides et d'y mettre un terme.
J'arrivai dans le Caucase au début de l'automne bien décidé
À explorer ces régions montagneuses que mes ancêtres,
Il y a de cela plusieurs siècles, avaient fui précipitamment,
Vraisemblablement suite à une découverte inhumaine.
Je possédai un vieux journal intime familial légué de génération en génération,
Pour que tous connaissent l'histoire périlleuse de notre migration.
Il y était inscrit que notre famille, qui comptait dans ses ancêtres des sorciers puissants,
Fut toujours crainte et respectée dans un territoire situé désormais principalement en Géorgie.
J'espérais comprendre mes visions et les apaiser.
Cependant les montagnards éprouvaient encore une peur indomptable à la seule entente de notre nom alors que dans les villes et villages plus modernes personne ne semblait s'en souvenir.
J'obtins uniquement un mot double formé en partie de notre patronyme, Krubera-Voronya.
J'appris auprès de guides de montagne qu'il s'agissait d'une grotte extrêmement profonde située au-delà de deux milles mètres d'altitude, mais qui reste encore aujourd'hui très peu explorée à cause des superstitions locales, et eux-mêmes acceptèrent de m'y amener mais sans y pénétrer.
Déterminé à mettre fin à mes souffrances et à ces visions cauchemardesques,
J'acceptai leur proposition, et après une montée difficile nous atteignîmes l'orifice inquiétant qui béait face à nous, emplissant de terreur mes guides qui redescendirent sans tarder.
Me retrouvant seul à fixer cette gueule immense aux crocs de pierres millénaires,
Prête à happer mon âme. Je rassemblai mon courage et commençai mon voyage spéléologique.
L'intérieur sombre éclairé par mon unique lampe frontale, qui me parût bien ridicule,
Luisait et suintait rendant mes prises incertaines et glissantes.
En effet cette cavité était plus proche d'un gouffre que d'un tunnel,
Dévoilant un chemin abrupte et stérile où régnait un odeur de profondeur insoutenable.
Pris de nausée, mes prises devinrent moins assurées et bientôt ma vision se troubla,
Me conduisant à la chute inévitable dans les abysses nauséabonds.
Ma tête heurta un roc et je perdis connaissance.
Après un sommeil profond, comme je n'en avais pas ressenti depuis longtemps,
Je m'éveillai sur un sol humide et constatai que ma lampe était brisée.
Plongé dans les ténèbres, je me relevai encore tremblant appuyé contre la paroi rocheuse,
Avançant à tâtons dans des couloirs encore vierges de tout passage humain.
Mes yeux lentement habitués distinguèrent une lueur tremblotante,
Qui me conduisit à une salle étrangement équipée de ce qui semblait être un autel,
Où reposait dans l'attente d'une nouvelle lecture un grimoire sans âge à la couverture repoussante,
Et à son coté une dague aux formes et aux proportions improbables.
Juste derrière l'autel immémorial sombrait un abîme hideux d'où émanait la lueur changeante
De rouge et de vert non sans rappeler un brasier infernal.
Et comme pour me saluer, un cri sourd et rocailleux,
Provenant d'une gorge qui ne devrait pas être dans notre monde,
Raisonna et fit vibrer chacun de mes organes ranimant cette nausée insoutenable.
L'occulte livre avec sa couverture répugnante, faite de chair et de peau certainement humaines,
Me dévoila nombre de secrets écœurants et de révélations qui plongeraient n'importe quel esprit normalement constitué dans la folie, mais dont je fus protégé par mes récents tourments préparatifs.
Ne pouvant désormais plus supporter une existence humaine,
Je fini ici ce témoignage, confirmant l'appartenance de ma famille à un culte impie,
Et mets un terme à cette abomination en accomplissant le dernier rituel,
Me jetant avec le livre maudit dans les ténèbres luisantes de cette immonde bouche vorace.
J'implore, à présent, que soit condamnée cette grotte et ses secrets d'un autre monde.

Adieux.

Ivan Voronya


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
18/09/2014 

jeudi 18 septembre 2014

L'homme aux charognes

L'homme Aux Charognes



Je vois cette lumière hideuse baignant dans le ciel des nuages en peines,

Las de planer en vain, espérant rejoindre les océans éternels.

Je vois les ombres grandissantes aux formes lointainement humaines,

Animées de dégoût, leurs corps en deviendraient charnels.

Grésillant entre deux mondes, plombant la réalité de cauchemars,

Je suis le mort à la vie féconde vomissant des abysses pestilentielles.

Entouré de mes charognes nous sommes les sinistrés hagards,

Observant l'humanité, écœurés de notre lien aux mortels.


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
16/09/2014