Armand
D'Estebaie
Cela faisait
trois nuits, qu'à chaque réveil, ma mâchoire était atrocement
douloureuse,
Et mon esprit
totalement embrumé.
Je n'étais
pas plus inquiet que ça, mettant ces troubles sur le compte des
examens finaux
Et du stress
intense induit qui m'avait entraîné dans une insomnie chronique.
J'étais en
effet à la fin de mon année de doctorat en médecine légale,
Concluant une
thèse sur les crimes de nécrophagie aux cours des siècles.
Lors de mes
recherches je fus amené à voyager dans la vieille Europe,
Où au
moyen-âge une secte nécrophage avait pris naissance,
Terrorisant
le bas-peuples durant deux siècles,
Ses membres,
devenus des personnages de cauchemars populaires,
Jouissaient
de la réputation d'avoir percé les secrets de l'immortalité,
Par le biais
d'une transformation mystérieuse.
Ressasser
tous mes travaux en vue de valider mon année,
Dû
déclencher en moi un mécanisme complexe de rêves dérangeants
remplis d'actes écœurants.
Un matin,
encore nauséeux et endolori par une nuit mouvementée,
Le concierge
de la résidence universitaire me fit part de son mécontentement
Quant à mes
sorties nocturnes, silencieuses mais salissantes,
Laissant de
nombreuses traces de boue et de terre dans le hall.
Surpris par
ces reproches, je niai toute implication.
Mais il
affirma qu'il m'avait vu sortir puis revenir deux heures plus tard,
Sale et comme
plein d'une excitation morbide, arborant un étrange sourire et des
yeux fous.
Dubitatif je
continuais ma journée non sans malaise.
Arrivé le
soir, épuisé, je m'assoupis affalé dans mon fauteuil, laissant la
télévision allumée.
À mon réveil
le journal télévisé mentionnait des actes de vandalisme
Dans le
cimetière centenaire, mitoyen de l'université.
Des tombes
avaient été retournées et des cadavres récents mutilés.
Je m’habillai
et descendis dans le hall où une annonce officielle
Interdisait
toute sortie après vingt-trois heures.
Un couvre feu
en réponse aux dégradations nocturnes mentionnées par le
concierge.
Après une
nuit particulièrement déstabilisante je remarquai qu'une fenêtre
était ouverte,
Et mon studio
plein de boue et de terre menant à la salle de bain.
Intrigué, je
décidai de me rendre dans le cimetière de nuit,
Directement
après les cours sans retourner dans ma chambre,
Convaincu
d'être à l'origine de tout ce remue-ménage,
Plongé dans
des crises inquiétantes de somnambulisme.
Le cimetière,
étouffé dans une brume crépusculaire, semblait désert.
J'arpentai
les allées, m'enfonçant jusqu'à une place ou un étrange mausolée
trônait.
J'ouvris la
porte et pénétrai à l'intérieur, fétide et humide.
Mes yeux
mirent un certain temps avant de s'habituer à l'obscurité profonde.
C'est alors
que la terreur incrusta mes os me rendant rigide et muet.
Trois moines
en froc épais, dissimulant des formes lointainement humaines,
Me faisaient
face, m'invitant à les suivre dans la pièce suivante où brillaient
d'étranges lueurs.
Je ne sais
quel folie s'empara de moi me laissant obéir à leur requête.
Avançant en
direction des lumières blafardes et tremblotantes,
J'entendis,
derrière moi, qu'on verrouillait la porte, condamnant ma dernière
chance de sortie.
Là leurs
compagnons m'attendaient, nus et défigurés en une posture d'attente
animale.
Leur peau
luisante, noire et humide, leurs têtes rondes dégarnies où
pendaient quelques misérables poils tenant place de chevelure, leurs
oreilles immenses de chauve-souris,
Leurs yeux
rougeâtres et perçants, l'absence de nez laissant seulement deux
fentes verticales,
Et leurs
bouches carnassières m'emplirent non plus de terreur mais d'un
attrait malsain.
L'une de ces
goules ouvrit la gueule pour s'adresser à moi,
Mais n'en
sortit qu'un fracas guttural en guise de voix.
Instinctivement
mon esprit comprit et je m'agenouillai au centre d'un cercle de
bougies sanglantes.
La même
créature cauchemardesque vint à ma hauteur et me fit boire le
contenu d'une fiole antique.
Je sus que je
marquai ici le début d'une nouvelle vie et sombrai dans un sommeil
dénué de rêve.
À mon réveil
j'étais retourné dans ma chambre trop douillette et hideusement
lumineuse.
Je vis ce
monde grouillant de vie et de joie, d'êtres faux à la chair
pestilentielle du mensonge.
Mon
écœurement grandit dans les yeux hautains de mes futures proies.
Désormais
j'éprouve une profonde libération, accédant au monde souterrain
tant redouté.
Lorsque vous
lirez ces dernières notes écrites en tant qu'humain,
Il sera déjà trop tard pour vous, ma transformation
aura eu lieu, et je serai passé du coté des abysses, délaissant
avec amusement votre précieux monde égoïste.
Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
08/09/2014
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