Dylan
Carlson
Je me souviens encore de ces années où je pouvais
improviser paisiblement,
Au son rond et mélancolique de ma guitare, des musiques
où se reflétait mon âme,
Sans craindre d'horribles catastrophes.
Je retrouvais le calme, dans mes accords et mes notes,
Laissant s'exprimer mes tourments.
Il y avait bien eu des signes annonciateurs avant ce
concert cauchemardesque,
Mais qui aurait pu les décrypter correctement ?
Comment aurais-je pu penser une seule seconde à de
telles conséquences ?
À présent je ne suis jamais tout à fait tranquille,
M’autorisant à jouer uniquement dans la cave de ma
vieille demeure.
Maison isolée dans une ancienne zone industrielle
désormais abandonnée.
Ici je ne risque pas de blesser qui que ce soit.
Bien sûr rien n'a changé depuis, ils reviennent à
chaque fois,
Mais je ne crains rien.
Au contraire, je redoute le jour où je ne serai plus en
état de composer.
Ils sauront me retrouver, ils connaissent mon esprit,
Je ne serai à l'abri nulle part.
Je suis d'ailleurs heureux que la police n'ai rien pu
prouver,
Les soupçons et accusations se sont vite dissipés,
Me laissant un faux répit avant ma fin inéluctable.
Et c'est peut-être parce que j'ai été innocenté que
mes remords me poussent,
Encore une fois, à m'excuser, mot bien trop faible,
Pour toutes les douleurs que j'ai causées.
Je veux écrire ici, tant que je le peux, la réalité
derrière ce drame,
Bien plus hideuse que tout ce qu'on a pu raconter
jusqu'ici.
En effet, ma musique, résonnant avec mes troubles,
Que nombres de professionnels de la santé mentale ont
attribué à une schizophrénie,
Est rentrée en contact avec une dimension autre que la
notre.
Dissimulée dans les ombres et les actes sombres de
notre monde.
Des passerelles s'établissent, aujourd'hui
systématiquement,
Lorsque le soir venu je laisse ma musique s'exprimer,
entre notre univers
Et celui de monstres insatiables rongés par une faim de
chair, d'os, mais aussi de folie.
Comme je l'ai dit auparavant, je remarquais depuis
quelques temps des phénomènes inhabituels,
Que différents psychiatres ont analysé comme des
hallucinations visuelles et auditives.
Ces troubles me renfermaient sur moi, je devenais
mélancolique et détaché de la réalité.
Mes amis m'ont persuadé de ne pas reporter ou annuler
le concert d'octobre,
Pensant que ce moment stimulant me ferait le plus grand
bien.
Hélas, pardonnez moi, ce ne fut qu'une sombre tragédie.
Nous avions plusieurs nouvelles chansons qui rendraient
ce concert inédit,
Le public semblait enthousiaste et pressé d'y assister.
Alors, dans mon erreur, je décidai de le maintenir.
Le soir en question, enfin arrivé, nous avions installé
une atmosphère particulière dans la salle,
Pour immerger nos auditeurs dans une ambiance de
mysticisme occulte.
Aucun spot ne serait activé laissant l'éclairage à
quelques bougies et cierges disposé sur la scène.
Des diffuseurs de fumée, embrumèrent la salle,
Laissant une obscurité moite et dense occuper l'espace.
La première demi-heure se passa superbement, stimulant
les musiciens et tous les participants,
Créant ainsi les conditions idéales pour ouvrir les
brèches vers un univers meurtrier.
Je vis bien quelques ombres se mouvoir, semblant
s'organiser dans l'obscurité.
Mais j'étais convaincu que ce n'était que des
hallucinations.
Bon sang, tout se déroula si vite.
Tous ces cris. Ces visions me hantent toujours la nuit.
Des ombres sortirent ces êtres à la peau grise et
luisante, aux yeux jaunes remplis de haine,
Au corps maigre et squelettique, aux mains et aux pieds
déformés par des griffes terrifiantes.
Leurs têtes affreuses se gavèrent de chair et d'os
dans une orgie de démence.
Toutes les sorties avaient été soigneusement
condamnées.
Je les revois mordre violemment les crânes d'hommes et
de femmes,
Dans leurs gueules immenses et carnassières, et y
aspirer les esprits encore sains,
Pour les remplir d'une folie incontrôlable sans le
moindre espoir de rémission.
La police arriva trop tard, alertée par les hurlements
inhumains,
Les portes ne cédèrent qu'une fois le carnage
accompli.
Les policiers lourdement armés ne trouvèrent qu'une
cacophonie de corps démembrés,
D'organes éparpillés, d'os broyés, et de fous
terrorisés.
J'étais le seul à être vivant et partiellement sain
d'esprit.
Je fus interné, tout de même, plusieurs semaines dans
un hôpital psychiatrique,
Et je sais que je suis le seul de cette soirée à en
être ressorti aujourd'hui.
Dans les débris humains il fallut une semaine pour
répertorier tous les morts.
Et beaucoup de policiers, les premiers arrivés sur
place, eurent des soucis de santé par la suite.
Je suis désormais l'esclave de forces qui me dépassent,
Et je crains, à chaque note, que des créatures
vicieuses, venant des ténèbres,
S'échappent de ma cave humide pour hanter un monde
autre que le leur.
Rongé par ma culpabilité, soyez sûr que j'applique
moi-même ma punition.
Je me condamne aux tourments de l'âme et réserve le
choix de ma mort,
À ces affreuses goules venues d'ailleurs.
Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
22/09/2014