lundi 25 mai 2015

Nécrophages

Nécrophages

Il y eu un temps où les ombres ne faisaient que suivre leur maître.
Un temps où je pouvais admirer sans crainte les couleurs du crépuscule.
Ce temps est révolu.
Dès lors où j'ai plonger mon regard dans ces secrets ancestraux.
Dès lors où les sons qui nous entourent se sont révélés n'être qu'une illusion.

J'ai cru au commencement que mon esprit s'était brisé.
Les spécialistes ont conclu à une maladie psychique.
Les traitements se sont enchaînés, et je devins un cas parmi tant d'autres de schizophrénie.
Certes, il y eu une amélioration. Et je crus au bout de huit ans voir la fin de ce tourment.
Mon état est devenu stable. Et mon monde, que les psychiatres qualifiaient d'imaginaire, me devint familier et confortable. Plus aucune peur, ou presque, ne venait m'entraver.
Je restais, bien sûr, un marginal, ayant pour dégoût la société, n'aspirant qu'à une retraite paisible loin du monde et des hommes.
J'étais misanthrope depuis déjà quelque temps et je l’acceptais parfaitement.
Je pus reprendre le cours de ma vie, stoppé il y a une dizaine d'année.
Les choses se présentaient bien. J'avais entamé une formation et un métier était à la clé.
Malgré cela, certains détails que je pris à la légère me firent ouvrir les yeux.

J'attribuais mon regain misanthropique à la disparition des autres symptômes.
Et de ce fait, mon attrait pour le coté morbide de mes hallucinations me semblait en découler.
Depuis le début des traitements je me suis exprimé à travers la musique.
Et à cette période je me suis mis à expérimenter de nouveaux sons.
De nouvelles sphères sonores.
Les vibrations, d'échos en échos, de grondements en chuintements, me connectaient à ce monde imaginaire. Faisant apparaître mes nécrophages et autres monstres de mes hallucinations.
Ces créatures de cimetières m'avaient adopté au cours des ans.
Et moi qui croyais avoir une imagination trop fertile.

Le monde que nous voyons est restreint.
Les sons que nous percevons sont filtrés.
Des êtres, tout un univers, côtoient nos maisons, nos jardins, nos villes, nos égouts.
Ne vous êtes vous pas demandés pourquoi tant de disparitions restaient irrésolues ?
Nous partageons nos vies et nos morts avec des choses innommables.
Nos sépultures sont vidées par des goules affamées.
Celles suffisamment puissantes s'en prennent aux vivants.
Mais il n'y pas seulement des nécrophages.
Des tunnels existent. Des tunnels qui traversent nos murs, qui transpercent les sols.
Des tunnels qui pénètrent nos rêves.

J'étais, je ne sais comment, connecté à ce réseau inhumain.
Je pouvais ouvrir ma vision et apercevoir les ombres d'un autre monde.
Je ne suis pas le seul doté de ce sens.
Et je sais que je vais bientôt rejoindre ceux qui l'ont perdu.
Je sais trop de choses à leur sujet.
Et je sais que personne ne peut se protéger d'eux.
Ils sont capables d'envahirent nos rêves et de les changer en cauchemars.
C'est ainsi qu'ils nous chassent.
Pour la plupart de ces abominations, la proie doit être morte et putréfiée.
Ils nous font vivre le cauchemar, établissant un lien avec nos muscles.
Notre esprit tente vainement de leur échapper et se fait traquer.
Notre corps obéit inconsciemment à notre rêve et se retrouve exactement là où les nécrophages veulent nous conduire.
Une zone isolée loin des regards humains.
Le lieu atteint, ils nous exécutent sauvagement, ils nous mutilent, nous torturent, démembrent notre esprit et broient nos os.
Laissés pour mort, la nature finit son cycle.
Et les nécrophages se régalent de nos restes.

Je sais que bientôt viendra mon tour.
J'attends donc ce contact et rédige ce que j'ai pu apprendre à leur sujet.

Les nuits sont les heures les plus affreuses.
Car ils m'ont trouvé et tourmentent mes rêves.
Ils jouent avec leur proie et s'en délectent.
Ils m'affaiblissent, ôtant ma volonté de mettre fin à mes jours.
Je tente de ne plus me nourrir, mais ils m'apportent de la nourriture.
La tentation, la détresse et la douleur me font parfois céder.
Je sombre souvent dans un état de semi conscience affreux.
Alors je les vois à la fois dans mes cauchemars mais aussi dans la réalité.
Et lorsque je reviens à moi, je découvre de nouvelles plaies sur mon corps.
Leur apparence est humanoïde, une caricature putréfiée d'un homme.
Ils se déplacent à quatre pattes mais peuvent se maintenir debout.
Ils semblent avoir un langage et communiquent entre eux.
Dans mes rêves ils dégagent une forte odeur de pourriture et de mort.
Ils sont relativement grands et bien bâtis.
Leur force est nettement supérieure à celle des hommes.

Je suis à présent trop faible.
Je ne peux plus continuer ainsi.
Cette nuit s'en sera fini.

Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
24/05/2015