Nécrophages
Il y eu un temps où les ombres ne
faisaient que suivre leur maître.
Un temps où je pouvais admirer sans
crainte les couleurs du crépuscule.
Ce temps est révolu.
Dès lors où j'ai plonger mon regard
dans ces secrets ancestraux.
Dès lors où les sons qui nous
entourent se sont révélés n'être qu'une illusion.
J'ai cru au commencement que mon esprit
s'était brisé.
Les spécialistes ont conclu à une
maladie psychique.
Les traitements se sont enchaînés, et
je devins un cas parmi tant d'autres de schizophrénie.
Certes, il y eu une amélioration. Et
je crus au bout de huit ans voir la fin de ce tourment.
Mon état est devenu stable. Et mon
monde, que les psychiatres qualifiaient d'imaginaire, me devint
familier et confortable. Plus aucune peur, ou presque, ne venait
m'entraver.
Je restais, bien sûr, un marginal,
ayant pour dégoût la société, n'aspirant qu'à une retraite
paisible loin du monde et des hommes.
J'étais misanthrope depuis déjà
quelque temps et je l’acceptais parfaitement.
Je pus reprendre le cours de ma vie,
stoppé il y a une dizaine d'année.
Les choses se présentaient bien.
J'avais entamé une formation et un métier était à la clé.
Malgré cela, certains détails que je
pris à la légère me firent ouvrir les yeux.
J'attribuais mon regain misanthropique
à la disparition des autres symptômes.
Et de ce fait, mon attrait pour le coté
morbide de mes hallucinations me semblait en découler.
Depuis le début des traitements je me
suis exprimé à travers la musique.
Et à cette période je me suis mis à
expérimenter de nouveaux sons.
De nouvelles sphères sonores.
Les vibrations, d'échos en échos, de
grondements en chuintements, me connectaient à ce monde imaginaire.
Faisant apparaître mes nécrophages et autres monstres de mes
hallucinations.
Ces créatures de cimetières m'avaient
adopté au cours des ans.
Et moi qui croyais avoir une
imagination trop fertile.
Le monde que nous voyons est restreint.
Les sons que nous percevons sont
filtrés.
Des êtres, tout un univers, côtoient
nos maisons, nos jardins, nos villes, nos égouts.
Ne vous êtes vous pas demandés
pourquoi tant de disparitions restaient irrésolues ?
Nous partageons nos vies et nos morts
avec des choses innommables.
Nos sépultures sont vidées par des
goules affamées.
Celles suffisamment puissantes s'en
prennent aux vivants.
Mais il n'y pas seulement des
nécrophages.
Des tunnels existent. Des tunnels qui
traversent nos murs, qui transpercent les sols.
Des tunnels qui pénètrent nos rêves.
J'étais, je ne sais comment, connecté
à ce réseau inhumain.
Je pouvais ouvrir ma vision et
apercevoir les ombres d'un autre monde.
Je ne suis pas le seul doté de ce
sens.
Et je sais que je vais bientôt
rejoindre ceux qui l'ont perdu.
Je sais trop de choses à leur sujet.
Et je sais que personne ne peut se
protéger d'eux.
Ils sont capables d'envahirent nos
rêves et de les changer en cauchemars.
C'est ainsi qu'ils nous chassent.
Pour la plupart de ces abominations, la
proie doit être morte et putréfiée.
Ils nous font vivre le cauchemar,
établissant un lien avec nos muscles.
Notre esprit tente vainement de leur
échapper et se fait traquer.
Notre corps obéit inconsciemment à
notre rêve et se retrouve exactement là où les nécrophages
veulent nous conduire.
Une zone isolée loin des regards
humains.
Le lieu atteint, ils nous exécutent
sauvagement, ils nous mutilent, nous torturent, démembrent notre
esprit et broient nos os.
Laissés pour mort, la nature finit son
cycle.
Et les nécrophages se régalent de nos
restes.
Je sais que bientôt viendra mon tour.
J'attends donc ce contact et rédige ce
que j'ai pu apprendre à leur sujet.
Les nuits sont les heures les plus
affreuses.
Car ils m'ont trouvé et tourmentent
mes rêves.
Ils jouent avec leur proie et s'en
délectent.
Ils m'affaiblissent, ôtant ma volonté
de mettre fin à mes jours.
Je tente de ne plus me nourrir, mais
ils m'apportent de la nourriture.
La tentation, la détresse et la
douleur me font parfois céder.
Je sombre souvent dans un état de semi
conscience affreux.
Alors je les vois à la fois dans mes
cauchemars mais aussi dans la réalité.
Et lorsque je reviens à moi, je
découvre de nouvelles plaies sur mon corps.
Leur apparence est humanoïde, une
caricature putréfiée d'un homme.
Ils se déplacent à quatre pattes mais
peuvent se maintenir debout.
Ils semblent avoir un langage et
communiquent entre eux.
Dans mes rêves ils dégagent une forte
odeur de pourriture et de mort.
Ils sont relativement grands et bien
bâtis.
Leur force est nettement supérieure à
celle des hommes.
Je suis à présent trop faible.
Je ne peux plus continuer ainsi.
Cette nuit s'en sera fini.
Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
24/05/2015
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