vendredi 19 septembre 2014

Tourments

Tourments



Je rapporte ici une lettre retrouvée lors de l'exploration de la grotte Krubera-Voronya, dans la dernière salle avant le gouffre plongeant verticalement pendant plus de cinq cents mètres, qui termine cette incroyable cavité naturelle, dont la profondeur reste inégalée.
Bien que ce témoignage fut signé, mais malheureusement non daté,
Nous ne savons rien de son auteur.


Pris dans mes tourments, grands tourbillons pourpres et sombres,
Mon écœurement s’intensifia et me révéla une autre dimension,
Qui devrait rester cachée au confins de ses abîmes inconnus.
Le monde qui m'entourait se voila finement sous la projection
De créatures hideuses qu'aucun homme n'avait jamais vues.
Mon sommeil horrifié me laissa sombrer un peu plus.
Les rêves ne trouvant plus de fin, imbriqués les uns dans les autres,
Me perdaient chaque nuit plus profondément.
Et pourtant après tous levers de soleil la réalité était pire.
Je décidai d'entamer un voyage vers mes origines,
Afin de découvrir les raisons de mes visions morbides et d'y mettre un terme.
J'arrivai dans le Caucase au début de l'automne bien décidé
À explorer ces régions montagneuses que mes ancêtres,
Il y a de cela plusieurs siècles, avaient fui précipitamment,
Vraisemblablement suite à une découverte inhumaine.
Je possédai un vieux journal intime familial légué de génération en génération,
Pour que tous connaissent l'histoire périlleuse de notre migration.
Il y était inscrit que notre famille, qui comptait dans ses ancêtres des sorciers puissants,
Fut toujours crainte et respectée dans un territoire situé désormais principalement en Géorgie.
J'espérais comprendre mes visions et les apaiser.
Cependant les montagnards éprouvaient encore une peur indomptable à la seule entente de notre nom alors que dans les villes et villages plus modernes personne ne semblait s'en souvenir.
J'obtins uniquement un mot double formé en partie de notre patronyme, Krubera-Voronya.
J'appris auprès de guides de montagne qu'il s'agissait d'une grotte extrêmement profonde située au-delà de deux milles mètres d'altitude, mais qui reste encore aujourd'hui très peu explorée à cause des superstitions locales, et eux-mêmes acceptèrent de m'y amener mais sans y pénétrer.
Déterminé à mettre fin à mes souffrances et à ces visions cauchemardesques,
J'acceptai leur proposition, et après une montée difficile nous atteignîmes l'orifice inquiétant qui béait face à nous, emplissant de terreur mes guides qui redescendirent sans tarder.
Me retrouvant seul à fixer cette gueule immense aux crocs de pierres millénaires,
Prête à happer mon âme. Je rassemblai mon courage et commençai mon voyage spéléologique.
L'intérieur sombre éclairé par mon unique lampe frontale, qui me parût bien ridicule,
Luisait et suintait rendant mes prises incertaines et glissantes.
En effet cette cavité était plus proche d'un gouffre que d'un tunnel,
Dévoilant un chemin abrupte et stérile où régnait un odeur de profondeur insoutenable.
Pris de nausée, mes prises devinrent moins assurées et bientôt ma vision se troubla,
Me conduisant à la chute inévitable dans les abysses nauséabonds.
Ma tête heurta un roc et je perdis connaissance.
Après un sommeil profond, comme je n'en avais pas ressenti depuis longtemps,
Je m'éveillai sur un sol humide et constatai que ma lampe était brisée.
Plongé dans les ténèbres, je me relevai encore tremblant appuyé contre la paroi rocheuse,
Avançant à tâtons dans des couloirs encore vierges de tout passage humain.
Mes yeux lentement habitués distinguèrent une lueur tremblotante,
Qui me conduisit à une salle étrangement équipée de ce qui semblait être un autel,
Où reposait dans l'attente d'une nouvelle lecture un grimoire sans âge à la couverture repoussante,
Et à son coté une dague aux formes et aux proportions improbables.
Juste derrière l'autel immémorial sombrait un abîme hideux d'où émanait la lueur changeante
De rouge et de vert non sans rappeler un brasier infernal.
Et comme pour me saluer, un cri sourd et rocailleux,
Provenant d'une gorge qui ne devrait pas être dans notre monde,
Raisonna et fit vibrer chacun de mes organes ranimant cette nausée insoutenable.
L'occulte livre avec sa couverture répugnante, faite de chair et de peau certainement humaines,
Me dévoila nombre de secrets écœurants et de révélations qui plongeraient n'importe quel esprit normalement constitué dans la folie, mais dont je fus protégé par mes récents tourments préparatifs.
Ne pouvant désormais plus supporter une existence humaine,
Je fini ici ce témoignage, confirmant l'appartenance de ma famille à un culte impie,
Et mets un terme à cette abomination en accomplissant le dernier rituel,
Me jetant avec le livre maudit dans les ténèbres luisantes de cette immonde bouche vorace.
J'implore, à présent, que soit condamnée cette grotte et ses secrets d'un autre monde.

Adieux.

Ivan Voronya


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
18/09/2014 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire