mardi 16 septembre 2014

Le Village En Ruines

Le Village En Ruines




Tout commença à la fin de mon voyage dans la vieille Europe.
Après avoir visité de nombreux villages pluricentenaires,
Il ne m'en restait qu'un, absent de tous les guides touristiques,
Dont même les anciens avaient oublié le nom.
Les jeunes ne le connaissaient plus, les marchants itinérants l'évitaient,
Seuls quelques rares et aventureux étrangers s'y risquaient,
Après une laborieuse collecte d'histoires auprès des habitants,
Suffisamment désespérés par leur vie morne pour en parler,
Car, disait-on, la folie guette ceux qui pensent trop à cet endroit.
Malgré tout je réussis à obtenir quelques précieux renseignements.
L'ancienne citée était bien plus vieille que n'importe quelle maison du pays,
On me dit que ses pierres provenaient d'une carrière souterraine,
Que leur couleur rouge sombre était dûe à la proximité de l'enfer d'où elles étaient extraites.
Désormais elle n'est plus qu'un vaste champ de ruines recelant de nombreux trésors occultes.
Mais selon les plus audacieux, des lumières y brillent encore lors des nuits sans lune.
Et des chants auraient été écoutés, inspirant l'effroi et la révulsion,
Face à un langage connu d'aucun aux accents caverneux et gutturaux.
Étant au courant des abus de boissons fortes et des superstitions communes à ces régions,
Je pensais pouvoir y découvrir des sujets intéressants pour mon mémoire en arts et cultures anciennes.
Décidé à partir pour la journée visiter cette étrange cité abandonnée,
J'arrivai sur les lieux, non sans difficultés, relativement tôt,
Et pus me mettre à la recherche d'objets divers dans les décombres.
Les roches impressionnantes dont étaient bâtie les maisons me firent frissonner,
On aurait dit qu'elles étaient recouvertes d'une couche de sang épais.
Je ne trouvais hélas pas beaucoup de débris intéressants,
Et décidai de m'enfoncer plus profondément entre les constructions cyclopéennes.
L'air était lourd et chargé d'une odeur de décomposition et de moisi.
Certains bâtiments, au cœur de la cité, étaient encore en assez bon état,
Et il me semblait que les chemins de terre entremêlés avaient été empruntés récemment.
Je suivis les traces qui me menèrent à une large place avec en son centre,
Un petit abri, semblable à un caveau, d'une couleur plus sombre encore.
Je pénétrai à l'intérieur découvrant une mystérieuse ouverture donnant sur un escalier invisible.
Descendant avec prudence les marches en colimaçons, tâtonnant contre les murs humides,
Des pensées étranges s'insinuèrent dans mon esprit jusque là tranquille.
Une peur insidieuse naquit alors que j'arrivais à ce qui semblait être le fond.
Arrêté, presque suffocant, des visions hideuses s'imprimèrent dans ma tête.
Accompagné de leurs cris atroces je voyais des enfants et des jeunes femmes enchaînés,
À qui on arrachait la peau au fer rouge, puis séparait au couteau les muscles des os,
À la lumière mystique de bougies éparses sur un sol luisant de sang et d'excréments.
Les faibles lumières traçaient un passage vers l'autel où était offert la viande ainsi obtenue.
Le bloc sacré arborait une statue massive d'une créature mythologique,
Aux ailes membraneuses incrustées sur un corps mou se finissant en une multitude de tentacules,
et surmonté d'une tête humaine sans yeux, au nez creux et à la bouche affublée de deux mandibules.
Extirpé soudainement de mes hallucinations par un cri terrorisant,
Que je ne décryptai qu'après un court instant :
Une jeune fille appelait à l'aide traînant des chaînes sur le sol nul.
Avant de pouvoir reprendre le contrôle de mes membres,
Quelque chose tomba lourdement sur moi, son contacte humide et visqueux,
déclencha ma course effrénée hors de ce caveau sans âge, loin de ces ruines maudites.
Je m'effondrai à bout de force, autant physique que psychique,
Dans les feuilles mortes et la terre fraîche d'une forêt.
Je réussi à reprendre mes esprits, pensant que tout ne fut qu'hallucinations.
Une fois debout, je vis sur le sol où j'étais affalé, des marques rouges.
Mon regard apeuré se tourna sur mes vêtements recouverts de sang.
Empli de folie et de terreur je fus retrouvé nu et hébété errant à la lisière d'une forêt.
On me transféra à l'asile de ma ville natale après une recherche difficile de mon identité.
Je vous remercie professeur pour l'intérêt et le sérieux que vous portez à mon état,
Et j'espère que mes confessions vous aideront dans vos travaux sur l'occultisme du vieux continent.


Aimeric Lerat (Hangsvart) tous droits réservés
07/09/2014 

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